Un banquier a des obligations très précises envers sa clientèle, dont celles de loyauté et d’information, de vigilance, du devoir de mise en garde, du respect du secret bancaire, etc. Si pour cela, il existe des règles, des chartes, des lois, des directives (nationales ou européennes) et des décrets, il faut bien reconnaître qu’elles sont souvent ignorées, voire pire, parfois complètement inconnues de votre banquier. Parmi celles-ci, nous avons le chargeback.
Le chargeback ou la rétrofacturation, c’est quoi ?
Une rétrofacturation est un retour d’argent au payeur d’une transaction, en particulier une transaction par carte de crédit (Mastercard, Visa, American Express…). Le plus souvent, le payeur est un consommateur. La rétrofacturation annule un transfert d’argent depuis le compte bancaire, la marge de crédit ou la carte de crédit du consommateur.
Pour quelles raisons le chargeback ou la rétrofacturation peut être demandé(e) et appliqué(e) ?
En principe, vous ne pouvez pas révoquer l’ordre de paiement que vous avez effectué par carte bancaire une fois qu’il a été reçu. Vous pouvez cependant faire opposition à un paiement par carte bancaire, effectué dans les circonstances prévues par l’article L133-17 du Code monétaire et financier, à savoir : Perte ou vol de votre carte. Utilisation frauduleuse de votre carte ou de ses données, par exemple lorsque vous possédez toujours votre carte mais que son numéro et la date de validité ont été dérobés et utilisés frauduleusement suite à un piratage. Redressement ou liquidation du professionnel au jour du paiement. L’opposition est possible tant que le montant de l’opération n’a pas été crédité sur le compte du professionnel.
Mais aussi, si vous avez commandé des produits ou un service sur un site internet qui n’ont jamais été livrés et ce, malgré vos relances… Et dans cet article, c’est à ce dernier cas que nous allons nous intéresser en mettant en évidence le manque de connaissances des gestionnaires de compte de la BNP Paribas, et plus particulièrement de ceux d’une agence à Cannes.
Cette histoire fait suite à notre article sur la sulfureuse Galerie Sonia Monti à Paris, aujourd’hui fermée par sa dirigeante qui a mis la clé sous la porte et pris la poudre d’escampette dans sa villa de Vallauris. Suite à notre article, nous avons reçu plus de soixante témoignages d’artistes et une vingtaine de dépôts de plainte pour escroquerie auprès, soit de la police, soit de la gendarmerie, dont la mienne.
En date du 23 février 2021, je procédais à une inscription sur une plateforme spécialisée dans la vente de tableaux aux entreprises pour la somme de 950 euros payable en 3 mensualités de 316,67 euros. J’utilise pour ce faire ma carte de crédit Visa Premium. Pour différentes raisons et dans le délai imparti par la loi, en date du 6 mars, je fais valoir mon droit de rétractation auprès de l’entreprise. N’ayant obtenu aucun retour de leur part, je contacte ma conseillère par e-mail pour faire une demande de chargeback en date du 9 mars, puis une relance le 27 mars et le 6 avril sans obtenir de réponse de la conseillère BNP Paribas. (J’apprendrai plus tard que ma conseillère, Floraine Moriani a, je cite, « pété un câble et est en arrêt maladie depuis des semaines ».)
Le 28 avril 2021, la BNP Paribas m’adresse un courrier m’informant de son refus de prise en charge de l’opération de 316,67 euros au motif que les cas de remboursement d’opérations sont limitativement prévus par la loi, tout en rappelant que les opérations de paiement dûment autorisées par le payeur et correctement réalisées par la banque sont irrévocables. La BNP Paribas précise qu’il ne lui appartient pas de s’immiscer dans un litige commercial entre son client et un commerçant, une fois que l’ordre de paiement a été donné.
Cela dit, avant d’en arriver à ce refus catégorique de la BNP Paribas, j’ai pris soin de prendre contact avec Visa qui me confirme l’existence de la procédure, me communique le Visa Reason Code 13.1 (marchandise ou service non reçu) et me confirme aussi ce que je savais déjà ; que c’est la banque qui doit faire la demande, tout en me précisant qu’il est rare qu’une banque enclenche ce processus, par manque d’informations sur le sujet, voire même par pure ignorance de cette possibilité.
Les faits confirmeront l’ignorance des gestionnaires de l’agence de Cannes sur ce sujet. En effet, Jonathan Rackin, un conseiller de la banque, me déclare lors de notre conversation téléphonique que « cette procédure n’existe pas », que « c’est un mythe », que « ce n’est pas [moi] qui vais lui apprendre [son] métier de banquier… », et affirme haut et fort que « c’est un simple litige commercial ». J’ai d’ailleurs eu le même genre de commentaire en prenant contact directement avec le service des réclamations de la BNP : « C’est une invention, cette procédure n’existe pas, il n’y a aucune obligation en ce sens. »
Dernièrement, pendant un entretien téléphonique portant sur d’autres dysfonctionnements avec l’agence (dont cet article n’est pas le sujet), Magali Picheny, directrice de l’agence BNP Paribas, me tient les mêmes propos : « il s’agit d’un litige commercial dans lequel votre banque n’intervient pas », lorsque je lui demande si elle connaît la procédure de chargeback et dans quel(s) cas celle-ci est applicable. Elle me répond être justement sur le site economie.gouv.fr qui traite du sujet, et procède à la lecture des différents cas de figure tout en omettant le 1er cas : « produit non reçu, ou non conforme à la description ». Cette dame est également au courant de la directive européenne en ce sens. Le plus drôle reste à venir. Elle tente de clore le sujet en disant que, de toute façon, le médiateur de la banque que j’ai saisi leur avait totalement donné raison dans son compte rendu. J’ai failli m’étouffer en entendant pareilles inepties.
Et justement, quelles furent les conclusions du médiateur ?
Succinctement, la BNP Paribas a fait valoir que le paiement a bien été validé par mes soins et que je reconnais avoir effectué cet achat auprès du prestataire. Précise que j’ai fait valoir mon droit de rétractation en date du 6 mars, soit dans le délai légal des 14 jours stipulé à l’article L221-18 du Code de la consommation, sans toutefois apporter de justificatif. (Si Floraine Mariani et Jonathan Rackin avaient fait leur travail correctement, ils auraient vu que dans mon e-mail du 9 mars, je demandais justement si la BNP Paribas avait besoin d’une déclaration, d’un document en ce sens, mais non, je n’ai eu aucune réponse à mes e-mails, c’est d’ailleurs ce qui m’a poussé à prendre contact avec Visa, ensuite avec le service des réclamations de la BNP Paribas et au final, avec le médiateur.) BNP Paribas précise que, conformément aux conditions générales de fonctionnement des cartes bancaires, elle reste étrangère, dans l’Espace économique européen, à tout différend commercial… Et considère finalement que je ne dispose pas de la possibilité de demander le remboursement de l’opération. Que c’est pour cette raison qu’il n’a pas été donné une suite favorable à ma demande de chargeback.
Le médiateur précise que le chargeback est prévu dans les contrats Visa et Mastercard. Qu’en France, il existe plusieurs types de cartes bancaires de paiement, des cartes appartenant au réseau CB seul ou Visa seul ou Mastercard seul, et des cartes co-badgées (CB Visa, CB Mastercard…).
Que ma carte est une carte co-badgée. Que cela signifie qu’elle me permet à la fois d’utiliser le réseaux CB qui ne prévoient pas d’annulation en cas de litige commercial et le réseau Visa qui prévoit le chargeback.
Après interrogation à la BNP Paribas, celle-ci confirme que j’ai bien utilisé le réseau Visa pour la transaction en question et que Visa prévoit la possibilité du chargeback. Le médiateur, au vu des éléments qu’il a entre les mains, confirme que j’ai bien initié la demande de chargeback dans les délais impartis. Le médiateur considère que la BNP Paribas aurait éventuellement pu formuler une demande de chargeback.
Le médiateur clôture sa lettre ainsi : « Je considère qu’en refusant de transmettre la demande à la banque du commerçant, sans toutefois augurer des suites de cette demande, ce dernier évoquant une escroquerie potentielle, la BNP Paribas a privé son client d’une chance de pouvoir se faire rembourser la transaction. »
En conséquence, en droit et en équité, il propose que la BNP Paribas fasse à mon profit un geste commercial dont le montant ne saurait être inférieur à 50 euros.
Copie intégrale de la lettre du médiateur ici
Malgré une conclusion en ma faveur, et également par manque de pusillanimité, j’ai refusé le geste commercial de 50 euros, le considérant comme une aumône face à un préjudice s’élevant à 316,67 euros. Ce, à plus forte raison, que la situation en est arrivée là à cause de personnes qui n’écoutent pas les arguments de leurs clients, tout en ignorant purement et simplement leurs obligations.
Et maintenant, que vais-je faire ?
Ma déontologie m’impose, avant publication, de transmettre cet article à la BNP Paribas. La directrice d’agence, Magali Picheny, a refusé de me transmettre les coordonnées du ou de la responsable de la BNP Paribas afin que je lui fasse parvenir cet article, tout en me précisant de le lui transmettre directement et qu’elle le ferait suivre. Donc acte.
Mais, d’un autre côté, cela ne résout pas mon préjudice, d’où cet article, mais aussi une prise de contact qui se fera par la Banque de France, 60 Millions de consommateurs, UFC-Que Choisir, par voie d’avocats devant la justice et par voie de presse.
À titre personnel, je conclurais en disant qu’une banque, qui a des obligations très précises envers sa clientèle, dont celles de loyauté et d’information, se doit aussi de savoir écouter ses clients et de mettre tout en œuvre pour respecter ce que la loi lui impose. Si ce n’est pas le cas, si votre banque n’est pas à vos côtés, alors changez de banque. Et finalement, oui, dans ce cas-ci, on pourra dire que la BNP Paribas ne respecte pas ses obligations. Pourtant, on pourra lire, dans le Code de conduite du Groupe BNP Paribas (page 12), ceci : « Garantir un traitement équitable des clients (accompagner les clients en difficulté financière pour trouver une solution à leur situation qui convienne à toutes les parties), protéger les intérêts des clients, traiter les réclamations des clients de manière équitable. » Peut-être qu’un responsable BNP Paribas pourra me dire en quoi ils ont respecté ces règles de bonne conduite dans la gestion de ma demande de chargeback en ne la transmettant pas à Visa et en prenant unilatéralement la décision de ne pas donner suite à ma demande ?
Retour téléphonique de la BNP Paribas sur mon article.
Lundi 6 septembre, je reçois un appel téléphonique du service des réclamations de la BNP Paribas depuis Paris (01 53 31 48 16). Hélas, je n’ai pas retenu le nom de mon correspondant. Qu’importe puisque cette personne, têtue et bornée, se contente de répéter que le médiateur donne raison à 100 % à la BNP Paribas et me rappelle quelques points qu’il lui paraît important de préciser. À savoir que A/ C’est la banque du commerçant qui doit faire le remboursement et non pas la BNP Paribas ; B/ Il n’existe aucune directive ou disposition pour enclencher une procédure de chargeback pour la raison que j’invoque.
Monsieur, relisez cet article : vous constaterez que je n’ai jamais demandé que ce soit la BNP Paribas qui me rembourse lorsque j’ai fait valoir mon droit au chargeback et que – relisez aussi la lettre du médiateur (le lien est dans l’article) – cette procédure existe bel et bien, puisque lui-même y fait référence.
A lire aussi A/ sur le site Internet du Ministère de l’Economie Des Finances et de la Relance : La procédure de chargeback, qu’est-ce que c’est ? B/ sur Protection des consommateur en Europe : La procédure de “chargeback” pour obtenir un remboursement.
Vous nous demandez notre avis sur un article rédigé par vos soins et que vous projetez de faire paraitre sur un site internet.
Dans cet écrit, vous déplorez que BNP Paribas ne lance pas de procédure de chargeback pour des opérations d’achat par carte faites au sein de l’Espace Economique Européen (EEE). Plus précisément, vous exigez de notre établissement le remboursement d’une facture carte que vous avez initiée auprès d’un commerçant parisien (Jamais je n’ai fait une telle demande ! ndlr) .
Je regrette la persistance de votre ressenti que vous entendez exprimer au travers de cet article. Mais je vous confirme que BNP Paribas n’intervient pas dans les conflits commerciaux au sein de l’EEE.
Notre position se réfère aux dispositions de l’article L 133-8 Code Monétaire et Financier qui précise, en droit français, l’irrévocabilité de l’ordre de paiement par carte bancaire, définie par la Directive Européenne sur les Moyens de Paiement. D’ailleurs, Madame la Médiatrice, dans son avis du 9 juillet 2021, confirme également que le chargeback n’est pas prévu en France en cas de litige commercial. Elle précise qu’il existe une seule exception légale à ce principe d’irrévocabilité, « en accord avec les règles en vigueur dans l’Union Européenne », à savoir le règlement en faveur d’un bénéficiaire en redressement ou liquidation judiciaire, sous condition que le règlement n’ait pas encore été encaissé sur le compte de la banque du commerçant.
Comme vous le précisez dans votre courriel du 1er septembre 2021 et en conclusion de votre projet d’article associé, vous attendez d’une banque « de mettre tout en oeuvre pour respecter ce que la loi lui impose ».
De fait, au sein de l’Union Européenne, la loi impose justement à la banque de ne pas intervenir en cas de litige commercial, puisque ce cas ne figure pas parmi les exceptions légales au principe d’irrévocabilité de l’ordre de paiement. Seules les procédures (internationales) prévues par les réseaux Visa (et Mastercard) en font état.
Or, si ces dispositions permettent le règlement de différends entre banques, elles ne peuvent avoir ni pour objet ni pour effet d’accorder aux porteurs des droits dérogatoires par rapport à ceux dont ils bénéficient en application de la loi locale.
D’ailleurs, l’article 1.1.1.2 des Visa Core Rules and Visa Product and Service Rules, prévoit bien qu’en cas de conflit, la loi locale l’emporte sur le dispositif de « chargeback » prévu par Visa.
En outre, les conditions générales des contrats cartes émises par BNP Paribas excluent expressément l’intervention de BNP Paribas dans le cadre d’un litige avec un commerçant au sein de l’EEE. L’article 4.5 du chapitre 4 intitulé « irrévocabilité » stipule que « BNP Paribas reste étrangère, dans l’Espace Economique Européen à tout différend commercial, c’est-à-dire autre que celui relatif à l’ordre de paiement, pouvant survenir entre le titulaire de la Carte et l’Accepteur. L’existence d’un tel différend ne peut, en aucun cas, justifier le refus du titulaire de la Carte et/ou du compte sur lequel il fonctionne, d’honorer son paiement. ». Au-delà du fait que la procédure de chargeback ne pouvait légalement intervenir en cas de litige commercial, cette impossibilité d’y recourir avait été portée à votre connaissance dans les conditions générales, que vous avez acceptées lors de l’entrée en relation, de sorte que la perte de chance ne saurait être alléguée.
C’est pourquoi je vous invite une nouvelle fois à faire valoir vos droits auprès du commerçant ou à poursuivre le litige, si vous le jugez utile, par d’autres voies de droit.
Permettez-moi, en dernier lieu, de vous rappeler la précision apportée par la Médiatrice à propose de son avis : « Ce document est confidentiel et ne peut être transmis à un tiers. La divulgation sans mon autorisation et celle de l’autre partie peut engager votre responsabilité ».
J’espère que ces précisions vous permettront de comprendre la position de la banque.
Je vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations les meilleures.
P/O Christophe VITOUX Responsable Service Expert Réclamations Clients